Le retour si soudain de leurs pouvoirs avait provoqué une sorte d'exaltation de leur X-Gene, parce que le corps humain n'est pas censé pouvoir bloquer la constante influence d'une mutation ; un avantage qui s'avèrerait sans doute de nouveau profitable s'ils se retrouvaient un jour à nouveau affublés de ces horribles colliers. Mystique l'avait bien compris et avait déjà fait une note mentale de cette information plus que louable à sa cause et ses ambitions.

—On rentre à la maison ? demande Switch, Raven ne peut empêcher un léger sourire de se glisser sur son visage, et son regard se laisse guider vers le camarade de son morlock, lui aussi dans un sale état. Ce sourire qui était né se dissipe rapidement, brièvement elle se dit que c'est de sa faute. Qu'elle aurait dû être là pour empêcher qu'ils se retrouvent tous dans cette situation, ou au moins qu'elle aurait pu faire quelque chose pour empêcher tout ça. Même si elle sait qu'elle ne pourrait pas vraiment être tenue pour responsable, voir l'un des siens, et surtout d'autres jeunes mutants qui ne sont certainement pas préparés à ce genre de situation lui fend le cœur et la renforce dans ses idées. Dans sa colère. Elle hoche la tête.
— Oui. répond-elle simplement. Domino. elle appelle ensuite, la mutante armée se redresse, suivie par la plus jeune qui ne connait pas vraiment le groupe. Tu penses pouvoir nous sortir de là en sécurité ?
— Avec un peu de chance... elle répond calmement l'air sûre d'elle, et laisse la jeune mutante avec Raven et le groupe et se met à courir vers l'extérieur, là où n'importe qui serait sans doute certain de ne pas se diriger, l'imminence du danger sans doute encore bien présente, même si le groupe de purifiers qui a attaqué est hors d'état de nuire pour le moment. On entend des pneus crisser et un bruit sourd au loin, (un conflit entre un super-héros et son nemésis sans doute), et une voiture virevolte dans un tonneau extraordinaire avant de retomber en face d'elle, la portière du conducteur s'ouvre et Domino s'y invite immédiatement. Les clefs toujours sur le contact, et pas la moindre égratignure sur le véhicule. Domino fait signe au groupe de la rejoindre et c'est ce qu'ils font.

Domino sait où elle doit les emmener, le trajet se déroule sans encombre, aussi surprenant que ça puisse paraître, à aucun moment ne se retrouvent-ils coincés dans le trafic new-yorkais, à aucun moment sont-ils nez à nez avec la police, Sentinel Services, ou les Purifiers. Quoi que puissent être les pouvoirs de cette Domino ils sont un avantage considérable, semble-t-il. Et au bout d'une vingtaine de minutes, l'étrange road-trip prend fin. Le groupe se retrouve dans une allée de Manhattan, derrière un bar. Le paysage est familier pour certains. Pas du tout pour les autres.

Le groupe suit Mystique et ses camarades qui les guident à l'intérieur, le petit nombre permet de ne pas trop attirer l'attention sur soi, et fort heureusement pour eux, la clientèle du bar ne se préoccupe de rien de tout ça. Des mutants qui noient leur chagrin et leur ennui dans l'alcool. Marcos, le barman, accueille le groupe en vitesse malgré tout. Mieux vaut ne pas perdre de temps. Il ne reste pourtant pas longtemps avec eux, juste le temps de leur donner accès à la pièce dissimulée à l'arrière du bar, dans un placard. Mystique et ses camarades connaissent le chemin, les autres les suivent en silence, parce qu'ils sont fatigués, parce qu'ils sont perdus dans toute cette histoire.

— Vous serez en sécurité ici, explique Mystique, pour ceux qui ne sont jamais venus ici. Mais il faudra faire profil bas au moins quelques jours, qu'on puisse s'assurer que la SSD n'a pas récupérées vos identités. Je ne pense pas que Charles apprécierait que ses gamins soient recherchés par la police. Après un long chemin, et plusieurs longues descentes dans les profondeurs de New York, une traversée compliquée et peu agréable de longs couloirs humides et malodorants, le groupe se retrouve en face d'un cul de sac, ce qui ne semble pas pour autant déranger Mystique, laquelle fait un pas en avant et disparaît d'en face du groupe, comme si elle venait de passer au travers.

Ils la suivent et découvrent, ou redécouvrent, leur véritable destination. Profondément enfouie dans New York, l'Antre des Morlocks. D'impressionnants tunnels et habitations de fortune s'amoncèlent un peu partout, plusieurs dizaines et dizaines de mutants qui ne peuvent se dissimuler dans la population de tous les jours sont réunis un peu partout à travers ce royaume souterrain. — Reposez-vous un peu, vous l'avez mérité, les enfants. leur dit Mystique, avant de les laisser là, et de se diriger aussitôt vers Caliban, le mutant chauve et albinos qui l'attendait avec une mine inquiète, son regard jaunâtre flottant vers la jeune mutante que le groupe ne connaissait pas avant aujourd'hui. Ils s'échangent quelques mots, Mystique jette des regards vers elle, puis les deux chefs des Morlocks s'écartent pour discuter en privé.

On va laisser les garçons reprendre un peu leur souffle, parce qu'ils ont pris cher, faut dire.
Est-ce qu'on est fini ? Est-ce qu'on continue ? Ohlàlà ce suspens,
on sait pas, je sais pas. Vous savez vous ?

Il ne comprit pas vraiment comment ils étaient arrivés jusque chez les morlocks. La pression étant retombée, son cerveau avait comme disjoncté, le laissant dans un état apathique. Il s’était laissé guider sans faire attention à ce qui l’entourait, les différentes scènes qu’il venait de vivre se rejouant inlassablement dans son esprit. Et puis il y avait la douleur. Au-delà des coups qu’il avait pu recevoir, son crâne lui semblait empli d’un bruit strident incessant qui augmentait et diminuait par vagues, lui vrillant les tempes par à-coup, à lui en donner la nausée.

Les larmes se mêlaient donc au sang qui tachait encore son visage lorsqu’il reprit pied avec la réalité, et c’est la mâchoire serrée qu’il se traîna à nouveau jusqu’à Nathaniel.
Sa voix résonna faiblement lorsqu'il s'adressa à lui, étranglée par la fatigue et le trop plein d'émotion.

- Let’s take you to a medic or something… Just... Tell me where to go...

Les blessures de Nate s’offrirent à sa vue, et il sentit une vague de nausée le submerger. Un mélange de colère sourde et de peur viscérale lui nouant les entrailles. Sous sa peau l’énergie se remit brièvement à courir, zébrant son épiderme d’éclairs dorés, et une nouvelle vague de migraine l’assaillit, lui donnant momentanément l’impression qu’une foule furieuse s’était mise à hurler dans son esprit. Il serra la mâchoire, sa peau retrouva une teinte normale, la douleur redescendit d’un cran.

- Est-ce que ça va, toi ?

Pas l’énergie de mentir. Pas l’énergie de rien. Il avait juste envie de s’écrouler, de se rouler en boule là, sur place, et d’oublier les événements de cette journée. Pas l’énergie de mentir. Pas l’énergie de rien…

- Non.

Que dire de plus ? Comment mettre des mots sur ce qui se passait dans son esprit ? La peur, la colère, la douleur… Ses pensées se mélangeaient sans qu’il parvienne à les comprendre lui-même. Il voulait disparaitre, s’arrêter d’exister juste pour un temps, bref, et revenir à lui une fois que tout irait mieux. Sa prise se raffermit sur les doigts que Nathaniel avait glissé dans sa main. Il essuya ses larmes sur son bras libre, du côté de son visage qui n’était pas enflé.

- Pourquoi tu t’es interposé ?.. J’aurais pu…

Il renifla, s’interrompit une demie seconde. Sa voix était rauque et sonnait plus agressivement qu’il ne l’aurait souhaité. Tant pis.

- J’aurais pu te protéger. Faut que t’arrêtes de te mettre en danger pour moi.

Trouver les mots. Difficile. Il lui en voulait d’avoir pris les coups pour lui. Et il s’en voulait de n’avoir rien pu faire.

- Je suis pas en sucre Nate, je vais pas me casser au premier coup que je prend et… Pourquoi faut toujours que tu t’interpose ?

Un raclement de gorge l’interrompit dans sa diatribe. Le morlock qui s’était occupé de Nate s’était éloigné quelques instants pour récupérer du fil de suture et venait de revenir près d’eux.

- Il faut que je m’occuper de ton arcade sans quoi ça ne s’arrêtera jamais de saigner, et puis plus vite je m’en occupe, moins tu as de chance de garder une cicatrice.

Le jeune homme hocha la tête, délaissant la main de Nathaniel pour s’éloigner du lit de camp où était allongé son compagnon d’infortune et s’asseoir un peu plus loin, sur le siège que venait de lui désigner l’autre morlock. Son regard resta fixé sur Nathaniel pendant que l’infirmier s’occupait de le recoudre. Il se sentait inutile, une fois de plus. Il n’avait pu aider personne pendant l’assaut. Il s’était montré incapable de réagir quand le canon du pistolet avait été braqué sur lui.

Le souvenir lui tira un frisson. Nate avait encore dû intervenir et… À cause de lui le morlock avait tué un homme.

La réalisation lui fit l’effet d’un coup de poing au creux du ventre et il se sentit blêmir. Le soigneur lui adressa un coup d’œil inquiet.

- Tu vas tourner de l’œil ?

- Non. C’est rien…

L’aiguille le piqua au niveau de l’arcade, une fois, puis deux, puis trois. Une compresse tamponna rapidement divers points de son visage, et les doigts du soigneur tracèrent le contour de ses hématomes, la douleur refluant quelque peu.

- Ça devrait suffire. Je vous laisse pour le moment. Si vous avez besoin de moi, je ne suis pas loin, demandez Diodon.

L’infirmier aux traits ichtyens rassembla rapidement son matériel avant de s’éloigner. La bâche qui délimitait l’espace infirmerie émit un froissement sec à son passage, avant de laisser place à un silence relatif.

Aidan resta immobile de longues secondes à fixer n’importe quoi plutôt que la silhouette allongée de Nathaniel, à rassembler ses pensées. Il finit par se relever de sa chaise dans un soupir, pour venir à nouveau se trainer près du rouquin.

- Désolé…

Il s’assit tant bien que mal sur le bord du lit de camp, en équilibre précaire, de sorte à ne pas tomber sur Nate ou à renverser le lit.

- I just… I hate that you’re hurt because of me…

Il aurait probablement refusé en temps normal, tiraillé par l’angoisse d’être vu, jugé, ou juste de se montrer trop vulnérable. Pour l’heure, il était simplement fatigué. La douleur migraineuse qui l’avait gagné était toujours présente, bourdonnant désagréablement dans son crâne à la manière d’une radio coincée entre deux fréquences, et chaque muscle de son corps, délaissé par l’adrénaline, réclamait du repos. Aidan n’opposa donc aucune résistance à Nathaniel, se laissant glisser contre lui dans l’espace réduit qu’offrait le lit de camps.

- Don't ask me something I can't do. I'll always protect you. Always.

Le contact du bras de Nate autour de lui et de son front à l’arrière de son crâne réduisit son bourdonnement cérébral à un unique chuchotement, faisant refluer la migraine. Un soupir franchit ses lèvres.

- Okay… But just… Sometimes, let me protect you too.