Un café frappé, s'il vous plait. - Dis-je à la jeune femme certainement un peu plus jeune que moi derrière son petit kiosque en plein milieu du premier étage de cette petite galerie marchande. Je pose sur le comptoir deux billes et lorsqu'elle me tend mon gobelet transparent, je la gratifie d'un sourire à faire fondre la banquise. Pourquoi? Parce que c'est comme ça, et que ça me vient naturellement. Souriez plus, sauvez des dépressifs et des jeunes demoiselles mignonnes en détresse émotionnelle dû à la chaleur de l'été en plein New-York qu'on dirait l'enfer.

Pensif, tirant une petite gorgée de la paille noire entre mes lèvres, je me rapproche de la rembarde en métal pour observer en contre-bas le rez-de-chaussée de la galerie, les quelques boutiques et la quantité de gens. Oh, il n'y a pas foule, enfin pour New-York, mais il y a du monde. Mon regard se pose sur la devanture marron-dorée d'une bijouterie privée et je m'appuie sur la barrière. J'observe quelques secondes la vitrine puis détourne le regard vers les passants pour chercher une silhouette familière. Jusqu'à la trouver. Une, puis deux, puis trois, puis un quatrième vient se rapprocher doucement de la bijouterie avant d'entrer, chacun leurs tours.

En théorie, un cambriolage dans cette bijouterie serait d'une absolue stupidité vu l'impossibilité totale de fuite une fois le bordel lancé, mais c'est pour ça que je suis là. Ce n'est pas mon genre de participer à ces petits vols égoïstes, quelques abrutis désespérés qui volent pour l'argent, surtout quand dans le lot on a un mutant au tempérament un peu chaud. J'évolue normalement dans des sphères bien plus hautes. Mais coincé par une faveur à rendre, me voilà à mon poste, prêt à téléporter tout ce petit monde à l'extérieur.

Alors me voilà, loin des regards potentiels, peu importe que les caméras me voient ou pas, je n'ai pas à bouger un doigt. Je n'ai qu'à observer et les faire disparaitre dés qu'ils sortent. Et ils sortent, ça oui. Au bout de quelques minutes durant lesquelles l'attention des passants les plus proche a été attirée par les cris et les menaces, je les vois débouler dans l'allée mais pas du tout comme prévu. Armes braquées, coups de feu dans les airs, sacs chargés du butin et du sang, sous leurs chaussures. Ils viennent de laisser un cadavre au pire, un blessé au grave au mieux, dans la bijouterie, peut-être le gardien, peut-être un vendeur ou un client, et quoi que je ne sois pas du genre à tendre l'autre joue dans le bon contexte, je ne tue pas. Je ne blesse pas. Pas au boulot en tout cas alors qu'il y a tant de façons plus sûre de faire les choses.

Mon dos se raidis, mes doigts se resserrent autour du gobelet alors que je vois ces quatre débiles tenter de prendre en otage toute cette population qui, je le remarque bien trop tard, comprend un visage familier que je n'aurais jamais pensé voir aujourd'hui.
Un peu plus loin je vois les types de la sécurité arriver en courant, tenter de les encercler pour les piéger là. Mauvaise stratégie vu la quantité de victimes potentielles mais... oh merde, les vitres commencent à trembler.

Ce débile a craqué. Littéralement. - « Personne ne bouge ! » - Si c'était pas pour ma conscience je me serais déjà barré de là, mais ces gens n'ont rien demandé et à vrai dire, le mot "évacuation" peut avoir plusieurs sens. Peut-être aussi celui de m'assurer que tout se déroule "bien" selon mes standards, et pas les leur. Peut-être est-ce pour ça qu'on m'a demandé d'être présent, parce qu'il y avait de grande chance pour que ça parte en sucette.

Aidan est parti vers un abri mais est forcé de s'arrêter par l'avertissement de l'un des braqueurs alors que les vigiles arrivent à portée de tir et de vue. Et comme je disais, mauvaise stratégie.
Les vitres sautent, les éclats volent, prennent pour cible les vigiles qui ne savent pas quoi faire face à ces projectiles loin d'être habituels, et je peux les comprendre. Pourtant dans un réflexe, j'exploite mes propres pouvoirs et redirige les éclats, les téléportant quelques mètres plus haut pour qu'ils aillent s'écraser contre un mur. Sans victime.

Manipulant mon bracelet, je redirige le champs de force au niveau de mon visage pour en flouter les traits et protéger mon identité avant de disparaitre. En un clignement de paupière je me retrouve en bas, laissant dans mon sillage un simple courant d'air. J'apparais entre Aidan et les braqueurs, comme par hasard dira-t-on, et même si mon visage est camouflée, ma voix, elle, est aussi claire qu'à l'accoutumé. - À quoi vous jouez, bordel! - « Hey gamin, ne t'avise plus jamais de t'interposer! Fais ce pourquoi on t'a emmené et ferme-la! » - Donc il attend que je l'aide? Après ça? - Vous n'avez emmené personne, je suis là parce que ton patron m'a demandé de vous sortir de là si vous merdiez. Apparemment il a anticipé ta stupidité. - Est-ce que j'ai conscience qu'on est au milieu de la foule? Oh oui, je lui taille un short en public volontairement. De toute façon j'ai déjà téléporté les chargeurs de leurs armes dans le pot de fleur qu'Aidan tentait de rejoindre. - « Butez-le! »

Mes lèvres esquissent un sourire, invisible derrière le champ de force, alors que les trois idiots lèvent leurs armes et réalisent être à sec. D'un clignement de paupières je disparais à nouveau, emportant Aidan avec moi, pour réapparaître derrière un espèce de muret à quelques mètres de là. - Salut, mon guide. Faut vraiment qu'on arrête de se rencontrer comme ça. - Quelques secondes avant que Tic Tac et Toc rechargent et que Débile n°1 fasse péter deux vitres de plus, largement le temps de plaisanter avec ma béquille préférée. - Est-ce que tu te sentirais pas d'aider à évacuer les otages les plus proches, et tant pis si tu portes pas de cuir?

« Je… Ouais, je devrai pouvoir aider. » - Ma main trouve son épaule pour une pression entre gratitude et encouragement silencieux. Il aurait pu me dire d'aller me faire foutre avec mes mauvaises idées en justifiant de ne pas se sentir prêt, ou apte, mais non. Il choisit de contrarier sa peur légitime pour aider. Brave garçon. - « Ok… Si… Si tu m’envoie devant un des groupes d’otages, je devrais pouvoir les abriter. » - Ok. Essaye de couvrir leur fuite, je vais occuper les quatre idiots, ça devrait te laisser le temps de respirer. - Nous ne voulons pas qu'il s’asphyxie, non monsieur. Et puisque je dissimule mon identité derrière ce champ de force, je dois également me montrer prudent: mon visage est protégé, pas le reste de mon corps. - Prêt? Ok, inspire profondément et... Essaye de pas être blessé, ou alors juste un peu que je puisse m'occuper de toi. - Oh l'image du Nate infirmier.

Je le fais disparaitre avant qu'il n'ait le temps de réagir, l'envoie réapparaître en périphérie de la zone de tir, et sort de ma planque pour faire diversion. - Alors, alors, c'est quoi ton plan maintenant que t'as attiré l'attention de tout le quartier? Hmm? - J'avise les trois autres qui ont déjà rechargé leurs armes, mais me concentre surtout sur le mutant, c'est lui le chef de bande après tout. - « Je fais ce pourquoi je suis là, avec un petit bonus. Videz vos poches! » - Les gens ne bougent pas, incapables de savoir s'ils vont être sauvés ou enterrés aujourd'hui. - « Tu crois sérieusement que le vieux nous a engagé pour juste cette petite bijouterie? Sois pas ridicule, gamin. » - Le "vieux" vous a engagé pour vider un coffre, pas prendre la galerie marchande en otage. Il a été très clair quand il t'as donné tes instructions, imbécile. - « Je ne suis pas les ordres, je les donne. » - C'est ce qu'ils disent tous avant de se mettre à quatre pattes dans les douches de la prison. - Hey! Bougez pas!

Idiot numéro 2 vient de remarquer les otages derrière Aidan qui évacuent pendant que les vigiles approchent et tire dans le tas avant que j'ai le temps de réagir. - Stop! - Je ne peux rien faire pour les balles qui filent vers Aidan mais d'un clignement de paupière, les armes des trois types disparaissent d'entre leurs mains, remplacées par un courant d'air. Où les ai-je envoyé? Ailleurs. Mais il faudra que j'aille sécuriser cette boutique de lingerie plus tard.
De nouvelles vitrines explosent alors sous l'action du mutant et les gens ont des petits cris de surprise et de peur. - Tu sais quoi, j'étais censé être là pour vous aider, mais en petits caractères dans mon contrat, il a écrit que si vous partez en sucette, je suis libre de faire ce que je veux. Vous avez de la chance que je ne sois pas un meurtrier. - Pendant que je parle, il prépare ses projectiles et tant que j'en suis la cible, ça me va. J'ai assez d'as dans ma manche pour m'en sortir alors autant attirer le feu. Ou mieux, autant amener le feu jusqu'à eux. - Hey, heads up! - Je commence ma phrase là, je la fini en apparaissant dans les airs au-dessus d'eux tel Ezio l'assassin. Si ça, ça donne pas à Aidan le temps d'évacuer les autres, je vois pas quoi le ferait. Peut-être un spectacle à la Magik Mike? Option à considérer.

Lorsque j'apparais au-dessus du petit groupe, je perçois une onde de choc orangée traverser l'espace et si l'un des types est vivement projeté en arrière, les autres sont tout juste déstabilisés mais c'est suffisant pour moi car lorsque je leur tombe dessus, la vague de force est passée et je n'ai qu'à danser.

Par réflexe, je me débarrasse d'abord du mutant, il est le plus dangereux mais également le plus efficace des trois, et je l'envois au plafond pour lui offrir une jolie chute libre à travers la galerie marchande. Ayant profité de la confusion pour faire ça, j'ai désormais face à moi de types en pleines possessions de leurs moyens, mais Mystique aussi l'était quand on s’entraînait, et ils ne sont que des insectes à côté d'elle.

Avec une agilité décourageante, je dévie un coup de poing de vers moi à vers le menton de l'autre gangster comme si tout se passait au ralenti. Je me glisse sous le bras tendu, mes mouvements comme accéléré par mon pouvoir alors que je génère un courait d'air en me déplaçant. Lorsque le poing déboîte la mâchoire, je suis déjà en train de poser un pied sur la jambe de l'attaquant et gravit son corps jusqu'à me retrouver sur ses épaules. J'utilise mon propre poids pour le déséquilibrer et lorsqu'il s'écroule, je roule au sol pour me réceptionner.

D'un regard, je repère Aidan qui évacue les otages au plus vite et lorsque je sens une main se refermer à l'arrière de mon col, je réagis au quart de tour. Léger, je pivote sur moi-même, quitte à tordre mon t-shirt, et profite de la position inconfortable du poignet du gars pour le faire lâcher. Mon bras gauche éloigne son bras tendu, mon épaule droite percute son torse et d'un coup de pied sauté totalement improbable, il s'écroule au sol, inconscient ou en tout cas trop sonné pour se relever.

Reste le bon dernier, le frappé à la mâchoire par son propre poto, que je jauge du regard. Je pourrais m'amuser un peu, les combattre est d'une facilité déconcertante, c'est peut-être pour ça que je ne joue pas mon ego sur ce coup et préfère expédier la chose, le téléportant dans le vide, au niveau du premier étage, pour le laisser retomber lourdement. Et alors je réalise que quelque chose manque... Le bruit du vilain mutant qui atteint le sol. Il n'est pas tombé. Où est donc passé cet imbécile... Oh me dites pas qu'il s'est fait une plateforme volante en verre. Me dites pas... Ah bah si.

Va-t-il m'attaquer? Attaquer Aidan? Les vigiles? Les otages? Honnêtement ce type est tellement imprévisible que je ne sais pas ce que son prochain coup sera, mais quoi qu'il soit, je sais que je ne vais pas l'aimer.

Attention! - Mais Aidan a déjà bondi et je lève à nouveau les yeux vers imbécile numero uno. - Mais t'es dingue! - Est-ce que je peux vraiment me poser cette question alors qu'un simple braquage discret vient de se transformer en un attentat terroriste mutant? Précisément ce que je voulais éviter même si le Vieux voulait juste assurer sa marchandise en m'envoyant là?
Ni vu ni connu, je ressens un léger vertige. Mon visage camouflé par le champ de force ne trahis pas mon malaise, mais il est bien réel. Me déplacer comme je l'ai fais est une application de ma mutation que j'utilise très rarement, justement pour cette raison. Peut-être qu'avec de l'entrainement je réussirais à mieux gérer le vertige, ou peut-être pas, en attendant j'assure ma position en ancrant mes pieds dans le sol.

Le débile prépare un nouveau projectile en fusion, la matière transparente enrobée de flammes fines pourtant magnifique est une véritable menace. Une menace bientôt prête et je ne sais pas quoi faire. Je pourrais l'attaquer, mais c'est un risque bien trop assuré pour moi. Et ne rien faire revient à transformer Aidan, ou moi, en cible mouvante. Rien de bien rassurant. D'un autre côté, est-ce que les flics pourront le contenir? Est-ce qu'ils en ont les moyens? Est-ce que je veux être ce mutant qui s'est retourné contre l'un des siens? Je suppose qu'il y à une ligne à tracer entre ce qui est pardonnable et ce qui ne l'est pas... Ce type est incontrôlable. Seront-on Sapiens, il atterrirait en prison ou dans un asile de toute façon. Sa mutation le rend seulement plus dangereux... Et ce raisonnement amène la conclusion.

Quelqu'un va devoir se mouiller.

Mais en réalité ça ne prend pas si longtemps. En fait, ça ne dure que quelques secondes. Je lance un regard à Aidan, lui qui ne voit de mon visage qu'un flou artistique peut-être perturbant, puis reviens au débile qui jette son dévolu sur ma béquille. - Non! - La sphère incandescente file dans les airs, prolongation de son bras tendu, et j'agis. D'un clignement de paupière, le débile est remplacé par sa réplique partielle en ciment et la statue autant que la plateforme de verre sombrent par simple gravité. Le débile quand à lui est toujours bien vivant, son corps seulement bloqué dans le sol jusqu'au cou, l'empêchant de bouger et ainsi d'utiliser ses pouvoirs.

La fraction de seconde suivante, j'apparais devant Aidan qui s'est relevé et je le prend et le protège dans mes bras, la sphère de verre en fusion explosant dans mon dos. Le choc me désarçonne quelque peu mais je reste sur mes deux pieds, une sensation désagréable à l'arrière. - Respire. - Une seconde nous sommes là, une seconde nous n'y sommes plus, et lorsque la police fait son entrée c'est un courant d'air qui les accueille.
D'abord sur le toit de la galerie marchande, je prend deux secondes pour visualiser la ville, Aidan toujours bloqué dans mes bras, et à nouveau nous disparaissons pour réapparaître ailleurs. Loin. Dans la même ville, oui, mais loin. Lorsque je le relâche enfin, nous nous trouvons sur la terrasse d'un immeuble de Manhattan et je titube avant de me raccrocher à un mur. Mon visage n'est plus flou, le bracelet est en cours de recharge. - Est-ce que ça va? Tu as été blessé?

De l'autre côté de la baie vitrée se trouve mon appartement, un petit loft de bois et de briques. Mon dos douloureux a été épargné par le champ de force que j'ai déplacé au dernier moment, mais il n'a pu absorber qu'une partie des dégâts et je sens quelques fragments de verre plantés dans ma peau légèrement brûlée. Oh, rien de grave, mais tout de même inconfortable. Hésitant, je tire sur le col de mon t-shirt totalement foutu et grimace tout en le retirant, le tissus déchiré tirant sur les fragments de verre et réveillant la douleur diffuse. J'arrive à respirer seulement lorsque je le laisse enfin tomber par terre. - C'est bête, je l'aimais bien ce t-shirt.

Au moins, il n'a rien. Est-ce la deuxième fois que je lui sauve la vie? Quoi que la première fois je n'ai fais que les évacuer, je n'ai litérallement sauvé personne, c'est plutôt lui qui m'a aidé à marcher. Alors est-ce qu'on est quitte? Qui tiens les comptes de toute façon... - « Merde, toi oui. Attends, laisse-moi voir. » - Au fur et à mesure que l'adrénaline diminue, la douleur augmente et quoi que je n'ai pas besoin de hurler ma peine, je sais parfaitement que mon visage retransmet ma souffrance.

J'ai le dos rouge, certainement une brûlure au premier degré à cause de la chaleur du verre. J'ai également plusieurs petits éclats de verre plantés ci et là, occasionnant quelques saignements léger. Mais au final c'est bien la brûlure le plus grave dans tout ça. Rien de réellement grave, mais pour le moment ça fait son effet.

Je laisse à Aidan quelques secondes pour observer les dégâts puis tend le bras vers la poignée pour ouvrir la porte vitrée, limité dans l'aisance de mes mouvements par la douleur. Dans cet appartement scindé en trois parties, bouffe salon et chambre, nous entrons par le salon. - Est-ce que tu peux extraire le verre? Je peux pas faire ça tout seul.. - Demander de l'aide n'a jamais été mon fort et si ce n'était pas pour la douleur, me voir aussi concentré sur une seule chose à la fois aurait pu être étrange de ma part.

Pas plus loquace que ça, la faute à mon dos pour le coup, je laisse Aidan dans le salon et me dirige vers la chambre, où il peut me voir à travers la paroi vitrée, bifurque à droite dans la salle de bain, et récupère une pince, de quoi nettoyer les plaies, des anti-douleurs et de la crème pour la brûlure. Lorsque je reviens, c'est pour me laisser tomber sur le canapé, posant tout mon attirail sur la table basse, et subir un violent frisson, dû à la brûlure. - Bienvenue chez moi, au fait. Je ramène pas grand monde ici normalement. Te voilà un privilégié. - Et c'est vrai, simple question de sécurité, cet endroit est presque un sanctuaire. Rares sont ceux qui savent s'y rendre même si nombreux sont ceux qui pourraient en devenir l'endroit en utilisant leur cerveau et en me suivant, ou en suivant le livreur de pizza que je fais toujours venir au bout de la rue. Mais depuis le canapé, la vue sur quelques immeubles de Manhattan est imprenable, alors le doute n'existe pas vraiment. - Tu es sûr que ça va, hein? Tu veux un calmant? Un verre de quelque chose?

Il ment. Il ment et je le sais. Comment je le sais? Parce que je suis clairvoyant... Ou parce que j'ai vu sa tronche, déjà, et si moi je ressens la retombée de tout ce bordel alors lui la ressent forcément, peut-être un peu plus fortement.
Une fois installé, je lui présente mon dos et lorsqu'il pose sa main contre ma peau, le contact m'est désagréable. Pourtant je prend sur moi, je le laisse travailler, je serre les dents par moment mais pour le reste, la douleur du verre est supplantée par les lancements de la brûlure. Je transpire, j'ai mal, on va pas se la jouer gros dur de film de seconde zone qui bronche pas.

« Faudra que tu te rince le dos quand j’aurai terminé, pour être sûr de se débarrasser des bouts de verre les plus petit, et faire en sorte que tu pisses pas le sang. Et froide l’eau, hein ? T’es quand même bien brûlé. » - Je pense que je vais rester sous l'eau froide pendant un moment surtout... Ou me téléporter dans une piscine. - J'étouffe un faible rire fatigué et le laisse continuer, mon regard se perdant dans le vide à cause du coup de fatigue qui suit la perte de l'adrénaline. - « Merci au fait… Pour le privilège de l’invitation. Et pour t’être interposé aussi… Je t’en dois une. » - C'est moi qui t'en devait une, on est quitte. La prochaine fois que je te sauve, je t'envois la facture.

Je baisse la tête en souriant, faute de pouvoir voir son visage je me concentre sur mes mains, blanches. Ai-je peur? Ou est-ce l'afflux du sang qui a été modifié par la douleur et les blessures? Je n'en ai aucune idée, je suis loin d'être calé sur le sujet. Je peux me soigner, soigner quelqu'un, du moment que la blessure est légère, mais au-delà de ça... - Mon champ de force a absorbé le gros de l'explosion de la sphère mais il est tombé avant de bloquer les éclats.

M'occupant pour essayer d'oublier la douleur, j'observe l'écran de mon bracelet, qui indique être prêt à l'emploi à nouveau, et cherche le relevé d'utilisation, pourcentage d'énergie exploitée, ce genre de données que personne ne semble comprendre à par moi, et son créateur bien sûr. - Faudra que je travaille sur la question. Pas que ce soit désagréable de t'avoir dans mon dos, mais c'est un prix quand même douloureux à payer. - Je lève la tête, un peu trop vite, en réalisant ce que je viens de dire. Pour une fois, j'assume pas. - Enfin, derrière moi. 'Fin, pour m'aider. 'Fin t'as compris. - Oh fatigue, arrête de jouer avec mon cerveau alors que Aidan fait mumuse dans mon dos... Oh dear...

« J’ai compris oui. Tu devrais aller rincer ton dos maintenant, on passera un coup de désinfectant et de vaseline ensuite… Pour tes brûlures, la vaseline. » - Tant pis. - Ok, j'essaye juste de reprendre le contrôle sur les commentaires douteux, laissez moi tranquille. Pour la première fois depuis ces quelques longues minutes, je me retourne et vois d'abord les fragments de verre ensanglantés sur la table avant de croiser le regard de Aidan qui a l'air en bien meilleure forme que moi, quoi que tout aussi fatigué. Les affres de l'adrénaline je suppose, c'est bien quand ça dure, c'est tout.

Merci. Et heeu... Je t'expliquerais le champ de force tout à l'heure. Si tu veux boire quelque chose, sers-toi. Les verres sont dans le placard du haut à gauche, et il y a quelques bouteilles juste là si jamais. - Juste en face du canapé, facile d'accès pour les longues nuits d'hiver. Ou d'été. Ou n'importe quand en fait, pas juste la nuit. Je fini par me lever et, m'arrêtant une seconde pour observer les éclats de verre sur la table, je téléporte tout ça dans l'évier de la cuisine avant de retourner vers la salle de bain.

Je n'ai pas de commentaire sur le fait d'aller me doucher et qu'il pourrait me rejoindre, ou quoi que ce soit du genre. A vrai dire, la simple idée qu'il me rejoigne, hautement improbable, ne me donne pas envie sur le moment. Je veux juste me foutre sous l'eau froide et cesser d'avoir mal. C'est d'un épuisant... Et c'est ce que je fais. Aussitôt hors de portée de son regard, je me débarrasse du reste de mes vêtements, me glisse dans la douche et laisse rouler l'eau froide contre mon dos, eau qui me semble glaciale au contact de la large brûlure, mais qui me fait un bien fou.

Je prolonge la durée de cette douche froide et je sais même pas de combien de temps, oubliant presque Aidan en me disant qu'il comprendrait... Et puis peut-être a-t-il lui-même besoin de ce temps aussi pour se poser. Peut-être s'est-il même endormi, honnêtement je ne lui en tiendrais pas rigueur vu ce qu'on vient de vivre. En même temps, il fait bien ce qu'il veut... Sur mon canapé... Chez moi... Enfin bref. Je fermer l'arrivée d'eau, sentant immédiatement l'afflux de chaleur comme si mon dos s'était transformé en radiateur et une fois séché, sauf le dos que je n'ose pas toucher, j'enfile un simple pantalon en jersey et retourne dans l'autre pièce. Je n'ai même pas pris la peine de mettre un t-shirt, je sais parfaitement que je ne supporterais pas le contact du tissus contre ma peau. - Qui aurait cru qu'une douche froide soit si bonne... Tu t'es pas trop ennuyé sans moi?

« Un peu. Je me suis demandé si tu t'étais pas noyé. Ceci dit avec une brûlure comme ça, j'aurais probablement traîné encore plus. » - J'y ai songé, mais je me suis dis que se laisser noyer dans la douche alors qu'on a des invités, c'est pas très distingué. - Je passe une main dans mes cheveux encore humides et les ébouriffe doucement, sentant la peau tirer dans mon dos et la chaleur redoubler, comme si la moindre tension montait le chauffage même si les quelques gouttes d'eaux qui y sont tombés ont fait du bien, un peu, tout juste. Quelle saleté.

« Désinfectant et crème maintenant, remet toi sur le canap, je vais me laver les mains... » - Oui, Docteur. D'accord, Docteur. - Et alors qu'il se lève pour aller jusqu'à l'évier, je me laisse tomber de toute ma longueur sur le canapé, mon visage enfoncé entre deux coussins et les yeux fermés. Ne pas dormir. Ne surtout pas dormir. Je pousse l'un des coussins, celui qui cache le plus mon visage pour au moins pouvoir ouvrir un œil, et je le perçois à la périphérie de mon champ de vision sans pour autant réellement le voir. - Je me retrouve toujours blessé quand je suis avec toi, c'est quand même bizarre. Et juré, c'est pas juste pour jouer au docteur avec toi. - Pas juste. Jouer. Docteur. Juré? Wait what.

Au moment où il revient vers moi, je bouge légèrement ma main gauche, le bracelet toujours autour de mon poignet. C'est un appareil électronique gris un poil grossier, fixé sur une monture en cuir. Il y a un écran sur le dessus et c'est essentiellement tout ce qu'on peut en dire visuellement parlant. Chose promise, chose due, quoi que j'ai rien promis, mais parler m'occuper la tête. - J'ai piqué ça à un inventeur de génie. C'est un générateur de champ de force et il m'a sauvé la mise plus d'une fois. Mais il est pas toujours ultra efficace. Et quand je compresse le champ de force devant mon visage, il le floute, c'est pratique. - Un sourire amusé étouffé par le coussin étire mes lèvres. - Comme quoi, t'es pas seul à pouvoir faire des boucliers. Je devrais peut-être l’appeler Aidan 2.0.

Rien ne remplacer la touche humaine, t'inquiètes. - Mais, indiscret? Il palpe mon dos mais me demande si c'est indiscret de poser une question? Ça l'est peut-être, je suppose. Après tout, mon dos n'a rien à cacher, il est honnête, lui. Alors que le simple concept de l'information est bancal.

Je ne me suis même pas crispé. Dans la grande majorité des situations, je reste extrêmement vague sur mon occupation. Les mensonges les plus simples restent encore de dire que je suis audit de musée, ou que je travaille comme traducteur dans un service d'archéologie. Ce sont des connaissances et des compétences que je possède réellement, alors il m'est facile de prouver mon mensonge, mais là c'est différent. Là il n'y a pas qu'une simple question à leurrer, il y a aussi tout un combat à couvrir, des blessures à justifier et la rencontre physique à expliquer.
Qu'est-ce que je faisais là? Pourquoi je connais ces types? Pourquoi je me suis interposé? Qu'est-ce qui s'est passé et pourquoi? Mentir, ici, serait totalement suicidaire. Et ce n'est même pas pour Aidan, car dans d'autres circonstances j'aurais très bien pu nous préserver tous les deux de la vérité, mais c'est aussi pour moi.

Je faisais le guet. Je devais m'assurer qu'ils sortiraient de là sans embûche et les téléporter dehors, c'est tout. Je fais pas ça d'habitude, c'est exceptionnel... Mais à l'évidence, ça s'est pas passé comme prévu. - Puis-je vraiment justifier tout ça en blâmant les débiles? Oui, mais est-ce vraiment légitime. Cela dit c'est vrai, c'était exceptionnel, je ne fais pas ça habituellement. Les petits coups du genre, en équipe, je les évite. Je travaille en solo, avec des coups de haut vol que je prend le temps de préparer. Intervertir un bijou contre un bout de corde n'est qu'un jeu, ça ne m'apporte que de quoi bouffer quelques mois, ou plus selon la qualité de l'objet. - Le type qui nous a engagé m'a demandé d'être là justement au cas où ça partirait en sucette. Je suis désolé que t'ai été coincé là aussi.

« C'est rien, c'est pas vraiment de ta faute... Et puis je suppose que si t'avais pas été là, la situation aurait été un peu plus compliquée, alors tant mieux non ? » - Je suppose... Mais est-ce vraiment vrai? Si je n'avais pas provoqué les débiles, auraient-ils passé leur chemin sans emmerdes? Ou auraient-ils tout de même tiré dans le tas? D'un autre côté ils avaient déjà tiré avant que je n'intervienne, alors ces questionnements sont peut-être inutiles.

« En tous cas t'avais raison sur un point... Faut qu'on arrête de se voir dans ces conditions. » - J'étouffe un petit rire, m'empêchant de trop bouger pour pas qu'il n'ait trop de difficulté à travailler. J'ai tellement raison... Mais d'un autre côté, si c'est la seule façon de se voir... Est-ce qu'être blessé est un prix si cher? Après tout c'est agréable, d'une certaine manière. Pas la douleur, mais le reste. Est-ce que je dois vraiment y voir un quelconque signe du destin? Je suis pas trop fan du destin, mais admettons...

« Fini ! Reste plus qu'à traiter la brûlure, mais je suis pas sûr que mettre de la biafine sur tes plaies soit une super bonne idée. » - Toujours allongé sur le ventre, je tourne la tête pour poser le regard sur les quelques fragments de verre et le tube blanc posé à côté. - C'est antiseptique, ça risque rien. Au pire essaye de ne pas en mettre sur les plaies les plus importantes, c'est juste pour aujourd'hui. Demain je pense que ça ira mieux. - Oh, j'aurais certainement toujours mal, mais je n'aurais probablement plus besoin de toute cette attention. Les plaies auront coagulée, la brûlure se sera suffisamment résorbée. En vérité, toute l'attention portée à mon dos est unique à ce moment précis et quelle chance ai-je d'avoir une paire de mains dans mon dos pour s'en occuper... - Enfin, si ça te dérange pas.

Aidan s'exécute. J'entends le bouchon du tube sauter, se retrouver sur la table, et finalement la fraîcheur de la crème me tirer un léger frisson tout à fait divin. Le silence du jeune mutant ne me surprends pas, au contraire il m'amuse un peu, pourtant je ne fais aucun commentaire parce que, bizarrement, je le comprends. Je le laisse travailler, ferme les yeux pour mieux en profiter. Le silence, le calme, le contact de ses mains sur ma peau, la fraîcheur de la crème combattant la chaleur de mes chairs. Je sens ses doigts danser contre mon dos et au bout d'un moment je ne sens plus rien. Je n'entends plus rien. C'est seulement lorsque sa voix s'élève à nouveau que j'ouvre les yeux, tirés d'un profond sommeil.

« Voilà. J'irais pas jusqu'à dire que t'es pas encore comme neuf, mais ça devrait aider... » - T'as raison. - Dis-je en me redressant, la tension de ma peau brûlée se rappelant à moi même si la douleur semble atténuée par les médicaments et la crème. - Ça va déjà mieux. - Et quoi que j'aurais pu mentir pour me donner un peu confiance, c'est bien la vérité. Cela dit, une chose est certaine, je suis épuisé, et ça se voit. Après tout, je viens de m'endormir sous ses doigts, il l'a peut-être surement remarqué.

Passant mes mains sur mon visage, je finis par me lever, remontant le short qui a légèrement glissé lorsque j'étais allongé. - Merci. - Lui glissé-je en me rapprochant, peu habitué à ce genre d'interaction. Me saisissant d'un verre, j'y verse une eau bien fraîche et m'en délecte de quelques gorgées. - Est-ce que... Tu veux que je te ramène? Honnêtement je doute d'être d'une grande compagnie, je suis épuisé. - Mon regard accroche un grand tableau à motif abstrait dans le couloir et je reviens à lui. - J'ai pas de porte en fait, donc tu me diras où tu veux que je te dépose. - Non, sérieusement, j'ai fais murer la porte. J'en ai pas besoin, je suis un téléporteur. - À moins que tu veuilles t'assurer que je dorme bien, ou servir d'oreiller, je pense pas que ce soit bien intéressant pour toi de rester coincé ici. - Oh il y a bien des choses à faire dans cet appartement, bien des choses pour s'occuper, mais il a certainement mieux à faire que surveiller un dormeur. Moi-même je refuse de l’enchaîner à mes ronflements. Quoi que je ne ronfle pas.

« Je passe mon tour ce coup-ci... » - Un sourire désolé passé sur mes lèvres. La téléportation ce n'est pas fait pour tout le monde, c'est vrai. - « Pour ce qui est de me déposer... Pas trop loin ? Je me débrouillerai pour rentrer à l'institut, quitte à faire une escale chez quelqu'un pour mieux repartir demain... Au pire laisse-moi juste au pied de l'immeuble ? » - J'acquise sans un mot, je n'ai rien à ajouter sur le sujet.

Je lui aurais offert le gite et le couvert. En temps normal ça n'aurait pas été un problème. Mais là... Ou peut-être le devrais-je? Peut-être pas là, mais plus tard? - Je pense que je vais dormir pendant une semaine après ce coup-là... - Dis-je avant de finir mon verre d'eau, un goutte rebelle de condensation chutant et roulant en plein milieu de mon torse. - Et après j'irais dire deux mots à mon employeur. Finit les faveurs du genre.

Essuyant d'un revers de main la goutte fuyarde qui chatouille ma peau, je soupire en tournant la tête vers l'extérieur, au-delà de la table. - Et après ça, faudra que je trouve le moyen de te remercier. Et de me faire pardonner aussi. - Je pose mon regard sur son visage, m'expliquant. - C'est pour ainsi dire ma faute si t'as ton après-midi gâché, ça aurait jamais dû déraper comme ça. Et après tes soins, quand je péterais la forme... 'fin, faudra que je te remercie pour ça.

Contournant la table en me dirigeant vers la fenêtre de la salle à manger, je continue de parler. - Du coup me faudra ton numéro de téléphone, pour pas débouler dans ta chambre sans prévenir. Ce serait... un peu bizarre. - Bon plan, débile. Toujours demander le numéro de téléphone.
Tournant la poignée pour déverrouiller le battant de la fenêtre, l'air qui s’engouffre dans l’appartement est chaud, honnêtement désagréable avec mes brûlures, et je tend la main vers Aidan. - T'es prêt?